On ne naît pas « bébé fille » ou « bébé garçon », on le devient : une assignation précoce

Pourquoi Freud a parlé de sexualité infantile ?

Dès l’aube de sa vie, le bébé « relationne » avec son environnement par et avec son corps.

Sons, intonations verbales, odeurs, lumières, températures, touchers et portages le plongent d’un monde intra utérin connu et protégé à un nouveau monde celui extra utérin, riche de sensations neuves.

Quand il est en attente d’être nourri, changé, bercé que se passe-t-il pour lui ? Quand on le change et que son sexe fait l’objet d’une attention particulière et de commentaires, que reçoit-il ? Nourri au sein ou au biberon, tenu, regardé, caressé, baigné dans des sons, mots et intonations que fait-il comme expérience ? A quels signaux de l’état émotionnel de son entourage est-il sensible ? Comment y répond-il et comment ses réponses sont-elles reçues ?

Le monde inconnu qu’il découvre lui demande une interprétation constante dont les adultes présents vont devenir les ambassadeurs.

Ces expériences corporelles quotidiennes et répétées fondent le socle de son monde fantasmatique, autrement dit de sa vie inconsciente. Il éprouve à partir d’elles ses premières excitations sexuelles, le respect de son intimité, de la permanence du lien, du prévisible et de l’inattendu, de la satisfaction de la déception voire de la rage aussi.

L’expérience de la tétée est exemplaire dans ce registre. Voici ce que Freud en écrit : « Quand on le voit (le bébé) se dégager du sein, rouge, l’air épanoui, gavé, c’est le prototype de la satisfaction sexuelle dans le reste de la vie ».

De toutes ces expériences “enchairées” (mise en chair) et grâce à la présence de l’autre, le bébé devient un être désirant.
La sexualité au sens large, a à voir avec ce bain de sensations précoces et porteuses de sens, d’affects et d’intentions en relation.


 
Dr Serge Héfez Psychiatre, psychanaliste. Responsable de l'unité de thérapie familiale dans le service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à la Pitié-Salpêtrière.

Dr Serge Héfez
Psychiatre, psychanaliste.
Responsable de l'unité de thérapie familiale dans le service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent à la Pitié-Salpêtrière.

Parmi tous les signaux que reçoit le bébé, ceux qui se rapportent à son genre sont particulièrement prégnants” nous explique Serge Héfez dans son dernier ouvrage, Transitions, réinventer le genre. Par exemple, on n’allaite pas un bébé fille et un bébé garçon de la même manière : les filles sont nourries à heure fixe tandis que les garçons le sont à la demande. Autrement dit, le bébé fille apprend très tôt la docilité tandis que le bébé garçon est renforcé dans son : « Je demande, j’obtiens quand je veux ». On peut donc considérer qu’il y a assignation de genre. Celle-ci ne s’arrête pas là car ce passif/actif, transmis inconsciemment par les parents, se poursuit par une multitude d’interactions dont l’intérêt porté au sexe du petit garçon érectile et réactif tandis que celui de la fille, caché est source de moins d’attention et de stimulations.

Transitions, réinventer le genre Ed. Calman Lévy Février 2021

Transitions, réinventer le genre
Ed. Calman Lévy
Février 2021


Ce rapport au monde corporel que le bébé entretient avec le monde dès sa naissance où les projections adultes sont en permanence présentes et actives vont conditionner la sexualité des futurs adultes. La femme se pliera et accueillera plus souvent passivement tandis que le l’homme agira et décidera. Cette organisation s’inscrit dans une société où les rôles assignés sont maintenus par un ordre social où la suprématie du masculin instituée et soutenue s’origine donc dès la naissance.

Prendre conscience de cette assignation précoce participe à une réflexion sur des polarités masculine et féminine qui sont déterminées par des différences anatomiques et hormonales mais aussi construites et prises dans une organisation sociale ou les projections inconscientes forgent le devenir des hommes et des femmes.

Cette mise en lumière et cette prise en compte favorisera, quand elle est considérée au cours d’un processus psychothérapeutique, l’émergence du sujet autrement dit le déploiement d’un être ce qui constitue le sens d’un processus psychothérapeutique en Analyse Psycho Organique.

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